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Les charrettes font aussi naufrage

Pour la ferme des gabelles, toute perte de sel doit être signalée et justifiée. Bateau ou charrette, peu importe. Ainsi le naufrage d’une charrette, ayant versé dans la Choisille avec huit sacs de sel, et les bêtes d’attelage, est l’objet d’un procès-verbal.

Le 13 juillet 1735, Jean Doizé, laboureur et charretier de la paroisse de Monthodon,  comparaît devant le notaire royal du grenier à sel de Montoire, il expose les circonstances du  « noffrage  et accident », arrivé à sa charrette. 

Ayant débarqué le matin même huit sacs de sel[1], au port de Saint Symphorien à Tours, des bateaux de Godineau l’aîné, il les transportait au dépôt du grenier à sel de Montoire.

Mais  «  dans le cours de sa voiture ayant abordé le premier sur une arche, située sur le chemin de Tours à Montoire route ordinaire, appelée Langennerie[2], paroisse de Chanceaux à deux lieues de ladite ville de Tours et sept lieues de celle de Montoire, conduisant sa charrette, ainsi que les autres charretiers qui le suivaient, attelée de bœufs et chevaux, il se rencontra au même lieu a loposite à un autre charretier à lui inconnu qui salloit du costé de tours dont la charrette était attelée de chevaux, qui, sans consideration, se trouvant ensemble aborder sur ladite arche quoique très étroite et sans lisses[3]de côté ni d’autre, voulu d’autorité premier passer sur ladite arche, força vivement ses chevaux, ce qui fit que l’essieu de sa charrette s’étant engagé avec celui dudit Doizé fit renverser et sauter de violence sa charrette, bœufs, chevaux et sel par dessus ladite arche dans le fossé plein d’eau, 

de ce que ledit Doizé étant surpris par la vivacité de l’autre charretier, qui, au lieu d’avoir resté avenant d’aborder sur ladite arche ou de reculer, y ayant abordé imprudemment, affecta comme par bravouze se fiant sur la force et ténacité de son attelage, passa sur ladite arche, ce qui causa l’évidente question de manière que ledit Doizé se trouva si serré tant par icelui charretier que par ceux qui le suivaient de près pareillement chargés de sel, ne put reculer ni advancer, quoique auparavant il eut prévenu et crié audit charretier d’arrêt avant d’aborder sur ladite arche, afin qu’il put passer par préférence comme étant le premier abordé sur ladite arche et étant voiturier royal à qui les autres charretiers doivent défèrer [céder par respect], 

et le naufrage arrivé malgré les précautions ci-dessus ledit Doizé pria les autres charretiers qui le suivaient de lui prêter la main afin de prévenir la perte tant entière du sel que de ses bestiaux, de retirer la charrette bœufs chevaux et sel dudit fossé de manière que lesdites poches de sel furent submergées par l’eau ainsi que son atelle [attelage ] et entre autre une crevée de la longueur du paume [mesure] de la main en côté proche le cul du sac. “

ADLC  3 E 60/290. 
document communiqué et transcrit par Marie-Thérèse Notter

Pour éclairer ce document, se reporter à Bateliers contrebandiers du sel. La Loire au temps de la gabelle, La Salicaire.


[1 ] Un chaland contient 150 sacs à  250 sacs, voir davantage. De quoi alimenter le va-et-vient de nombreuses charrettes. Un sac contient 2 minots de sel (environ 98 kg).

 [2]  Langennerie : pont sur la Choisille, commune de Chanceaux-sur- Choisille.

[3] Sans garde-fou

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